Les stations et le ski de randonnée : interdictions et péages
lundi 14 février 2005 par SHAHSHAHANI Volodia
Il semble bien qu’un conflit est en train de prendre forme entre la pratique du ski naturel (en forte croissance) et l’exploitation de stations de sports d’hiver (à la recherche d’une diversification de leurs recettes). Voici quelques exemples tirés, parmi bien d’autres, des massifs dauphinois.
Col de Marcieu. Un sentier balisé "raquettes" permet de s’évader au-dessus des téleskis...pour la somme de deux euros. Jusqu’à une certaine altitude, le tracé balisé se trouve être celui emprunté par l’itinéraire, fréquenté de longue date et devenu très classique, de l’Aup du Seuil (où est aussi tracé un GR). A notre connaissance aucun randonneur ne s’est encore fait rançonner par un préposé à la vignette-raquette, mais c’est à suivre.
Chamrousse. Nous avons fait état (voir Ski de rando interdit à Casserousse !) de la pose d’un panneau d’"interdiction" au parking de Casserousse, départ d’une randonnée archi-courue, le Grand Eulier par le lac des Pourettes. Cette randonnée suit le tracé d’un GR de Pays mentionné sur IGN qui longe une ancienne piste de ski (la descente olympique de 1968) désaffectée depuis plusieurs années (tout comme le téleski qui en desservait la partie inférieure). Or, une nouvelle cabane a été édifiée au pied de ce téleski, et l’ancienne piste a même été damée (le 14 février) par une chenillette* . Il semble donc que les tentatives d’interdiction de randonner pourraient être le prélude à une remise en service de l’ancien téleski et à la réouverture de l’ancienne piste. Une telle interdiction reviendrait en fait à interdire l’accès à tout le domaine de montagne situé à l’arrière plan de la station de Chamrousse (Vans, Sorbier, Vaudaine etc.) : un domaine qui a été récemment soustrait à l’appétit d’expansion de la station par une mesure de classement. Pour y accéder, il ne resterait qu’une solution, passer à la caisse avant de randonner, en s’acquittant d’un ticket rando de 6,5 euro pour 850 m de denivelé. (A moins de considérer que pour se rendre au Grand Sorbier, l’approche normale se fait pas les cascades de l’Oursière ou les lacs Achard : pourquoi pas depuis la vallée de la Romanche, tout est possible).
Sept Laux. De nombreux randonneurs, dont des rédacteurs de ce site, ont été apostrophés par des pisteurs du Pleynet alors qu’ils se rendaient au sommet de la Belle Etoile par l’itinéraire ultra-classique de la combe et du chalet du Pra, fréquenté bien avant que ne soit construite la station et qui lui aussi suit le tracé d’un GR. Il se trouve qu’une des pistes de retour à la station "emprunte" aussi le GR. Par ailleurs, depuis 2003, la station des Sept Laux a ouvert en "piste noire" la combe supérieure du Pra, accessible depuis le télésiège du col du Pouta. Cette ouverture a entraîné une extension du PIDA (plan d’intervention pour le déclenchement des avalanches). Sont ainsi minés (depuis hélicoptère) tous les itinéraires qui entourent cette combe entre la cime de la Jasse et le bonnet de l’Evèque. Pour qui connait le secteur, les avalanches de cette combe sont susceptibles de la remplir et de dépasser copieusement la limite aval des déclenchements en débaroulant encore 300 m sous le chalet du Pra. On ne doute pas que les artificiers fassent correctement leur travail en surveillant les allées-venues d’éventuels randonneurs mais tout de même, quid de ceux qui arriveraient d’Allemont, du rocher Blanc ou d’autres sommets ? Quelle que soit la fréquence de ces déclenchements, cette extension de PIDA porte en elle une limitation supplémentaire aux randonnées sur les sommets de la combe du Pra. Et pour comble, ici, il n’y a même plus la solution du ticket-randonneur. Lors de la rédaction du toponeige "Belledonne" j’avais proposé plusieurs itinéraires au départ des remontées après avoir reçu l’assurance du directeur de l’office de tourisme de l’époque pour que : 1. " le tarif soit adapté à la quantité de remontées utilisées". 2. " la formule reste perenne". Et de fait l’un et l’autre ont été pratiqués pendant plusieurs années. Depuis, avec un changement de personnel, ce ticket a disparu, il ne reste plus que la formule du forfait plein-tarif. Force est de constater que si on voulait empêcher la randonnée dans ce secteur traditionnel du Haut-Bréda, on ne s’y prendrait pas autrement. Dans quel but ? Désertifier un secteur pour justifier l’implantation ultérieure de nouvelles remontées ?
Il ne s’agit là que de quelques exemples limitant une liberté constitutionnelle fondamentale, celle "d’aller et venir". Ces attitudes ne peuvent qu’être à l’origine de conflits. Et il n’est pas du tout certain que le droit soit du côté des aménageurs. La Loi Montagne de 1985, pourtant très favorable à ces derniers, a été semble-t-il assez explicite pour ce qui concerne les remontées mécaniques, mais bien silencieuse quant aux prérogatives des domaines skiables. On achète toujours aujourd’hui un service de remontée mécanique, pas une descente. L’aménagement des pistes n’est là que comme un "plus-produit" permettant la vente d’un titre de transport. Le fait est d’ailleurs tout à fait reconnu (pour être déploré) par André Grogniet, directeur du service des pistes de Valmorel : " si le législateur a été très précis pour définir les remontées mécaniques (art. 43 Loi Montagne), il n’y a pas un seul article sur les pistes de ski, pas la moindre définition ni délimitation territoriale ! " (voir l’agumentaire d’André Grogniet). Ce que le juriste grenoblois François Servoin (cité par Andre Grogniet), confirmait cinq ans après l’adoption de la loi Montagne dans les termes suivants : "Le champ des remontées mécaniques se définit par un rapport de droit privé de nature contractuelle entre le client et le service. Le champ de la descente qui introduit des rapports de droit public de nature unilatérale est un espace librement ouvert au public".
Et pourtant, ce conflit en gestation parait facile à circonvenir, si les uns et les autres font preuve d’un minimum de respect mutuel : avec quelques mesures de bon sens dont la liste ci-dessous n’est pas limitative et peut faire l’objet de discussions.
– Entraînements nocturnes sur les pistes. Les randonneurs ne doivent pas gêner le travail des dameuses. Ils se renseigent sur les couloirs autorisés, à condition bien sûr que ceux-ci aient été définis par l’exploitant.
– Accès en peaux de phoque au domaine de montagne "masqué" par les stations. Des itinéraires de sortie du domaine devraient être mis en place si on veut éviter une circulation à double-sens.
– Vente de "tickets-rando" à des prix étudiés comme cela se fait dans certaines régions (particulièrement le Queyras) pour le profit mutuel des deux parties. On pourrait fixer un tarif de base à ne pas dépasser de 1 euro pour 250 m de dénivelé, ce qui est déjà très supérieur à la consommation effective moyenne d’un skieur de piste au forfait.
Même en l’absence d’interlocuteur central (les fédérations dites "représentatives" semblent peu concernées par ces sujets), le dialogue est possible avec les clubs de base ou les sites internet de pratiquants.
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16 février 2005 VSH - Randonnées aux Pourettes et téleski de Casserousse
L’information était incomplète. Martin Gerbaux nous signale que le bas de la piste olympique avait aussi été damé le 6 février le matin et le téleski ouvert l’après-midi. En raison du bon enneigement, ces ouvertures pourraient se multiplier. Les randonneurs qui continueraient à utiliser ce départ pour passer la brêche Robert via les Pourettes, devraient donc changer leurs habitudes en restant à l’extérieur de la piste, et non plus en zizagant en plein milieu comme l’habitude avait été prise depuis plusieurs années lorsque piste et téleski ne fonctionnaient pas.