MONT BLANC : la course contre le record.
samedi 31 mai 2003 par SHAHSHAHANI Volodia
La tentative de Stephane Brosse et Pierre Gignoux, s’est bien déroulée le vendredi 30 mai, comme prévu (info du 27 mai). Partis à 6h06 de la place de l’Eglise de Chamonix, Pierre et Stephane y sont revenus à 11h21 : soit 5h15 pour l’aller-retour au sommet. Pour 5 minutes ils échouent donc contre le record de Pierre-André Gobet, vieux de 13 ans. L’échec n’est cependant pas total. C’est le deuxième temps absolu, le meilleur effectué par une équipe, le meilleur aussi semble-t-il si on additionne les deux temps du tandem (10h30) et qu’on le compare aux deux autres meilleurs temps, le meilleur en conditions non-estivales et enfin le meilleur temps avec des skis.
Avant de détailler les temps intermédiaires (ceux qui ont été pris), il faut savoir que deux jours avant le départ, Pierre et Stephane avaient réajusté leurs ambitions à 5h09 et non 4h55 comme annoncé initialement.
La montée s’est déroulée en 4h07’. Pierre et Stephane partent vite et comptent 6 minutes d’avance sur le plan de marche quand ils arrivent à la Jonction. La suite semble encore bonne jusque vers 4000 m. Mais la cadence est nettement ralentie à partir du grand plateau ; puis, après la manip peaux-crampons à Vallot, l’arete des bosses prendra 37’ : un temps moyen selon Stephane Brosse qui estime, comme tous les observateurs, que les 30 mn étaient (et sont toujours) un objectif raisonnable.
La descente s’est déroulée en 1h08’. La face nord semble avoir été avalée en moins de 7’ (donc un gain par rapport à leurs premières prévisions exagérément pessimistes qui tablaient sur 15’) et toute la descente jusqu’aux gds mulets se passe sans histoire : "nous connaissions parfaitement cette section, précise Stephane, et n’avons eu aucun problème de trajectoire à tel point que je ne pense même pas qu’avoir des ouvreurs juste devant nous aurait été d’un grand secours". Et puis, juste au niveau des grands mulets, sous les yeux horrifiés des spectateurs, Steph perd un ski qui fonce dans une crevasse, et lui avec. Le public est vite rassuré, la crevasse n’est pas profonde et Srephane en ressort rapidement avec le ski : "mais je pense que nous avons perdu ici quelque chose comme les 5 mn qui manquent à l’arrivée". Au déchaussage définitif, vers 2300, ils sont repartis 40’ après le sommet : quoique assez bonne pour le randonneur, la Jonction exigeait tout de même un déchaussage et une petite remontée (peut-etre deux minutes de "perdues" sur des conditions optimales dans ce secteur ?). La descente à pied (skis et chaussures sur le sac) ne prendra que 28 minutes ("non sans quelques belles cabrioles en coupant les lacets du sentier", concède Pierre Gignoux).
Un invité de marque. Au repas de clôture où sont rassemblés les bénévoles, Pierre-André Gobet, qui conserve donc son record réalisé à pied, est venu féliciter les deux skieurs : "sur un aussi long parcours, il y a toujours quelquechose qui ne va pas pour le mieux ; à pied j’aurais pu par exemple espérer des traces un peu moins profondes à certains endroits, eux, à skis ne pouvaient avoir une neige parfaite partout à la montée". A froid, Stephane Brosse analyse les conditions rencontrées. "Sur l’ensemble on doit les considérer comme bonnes. Finalement, avoir de la neige plus bas, n’aurait sans doute pas été un avantage. A la montée, si on est à pied, on s’enfoncerait, et si on est à ski, le terrain chaotique exigerait beaucoup de conversions. A la descente, ce ne doit pas être plus payant, la partie forestière n’est pas facile et je pense qu’on va plus vite en courant sur le sentier". Pour des tentatives ultérieures il faudra donc compter sur des conditions similaires qu’on rencontrera en général entre la fin avril et la mi-juin. Enfin, courir à deux n’était-il pas un handicap ? "Nous n’avons jamais été aussi homogènes, précise encore Stephane ; d’habitude, même sur des compétitions courtes il y en a toujours un qui marche un peu moins bien. C’est assez surprenant".
A propos d’assistance.
La comparaison entre les deux courses, celle à pied de Gobet et celle à ski de Brosse-Gignoux fait apparaître au final de grandes similitudes.
La trace. Pour les skieurs elle a été un peu refaite là où c’était possible mais la neige de printemps ne permet pas de grands aménagements par rapport à ce qu’ont laissé les centaines de passages précédents. C’est d’ailleurs une question souvent rencontrée par les organisateurs de compétitions de ski-alpinisme : tracer le matin sur du béton est vain et la trace faite le soir dans la soupe se transforme en patinoire. Quand cette dernière solution a été tentée, les compétiteurs passaient en général à côté, dans le naturel en quelque sorte. Pour le coureur, quand il tente son record au mont blanc fin juillet-début aout, c’est déjà bien tracé aussi , par des milliers de passages à l’endroit le plus favorable et il n’y a plus que de petites retouches à apporter, le cas échéant.
Vetements de protection. Normalement il n’y en pas besoin car lorsque les conditions sont bonnes pour le record, à ski au printemps, à pied en été, il fait chaud : tout au plus un petit coupe-vent à passer par-dessus la combinaison, mais il est rare qu’on s’en serve.
Ravitaillement. Sur une course de cinq heures des athlètes de haut niveau ont essentiellement besoin de boisson énergétique, deux à trois litres. Comme l’a signalé Pierre Gignoux dans l’article précédent, l’accord s’est établi pour que cela relève de l’assistance : signalons que c’est aussi le cas dans les compétitions de ski-alpinisme de longue haleine et suivies par un public imposant, telles la Patrouille des Glaciers.
Matériel de progression. Après avoir un moment hésité, Pierre Gignoux et Stephane Brosse ont eu mille fois raison de s’imposer de transporter skis et chaussures du départ à l’arrivée. Sinon, tant qu’à se faire assister, pourquoi ne pas se faire déposer les skis au sommet du mont Blanc ? Ce à quoi pourrait répondre le coureur : tiens, mais moi aussi je sais skier. Et dans la même logique, pourquoi pas un vélo au tunnel etc. Crampons et chaussures à pointes : Gobet avait les secondes à dispo depuis Vallot, Brosse-Gignoux les premiers au même endroit. Match nul là encore. Et si un jour le "réglement" imposait aux coureurs comme aux skieurs de transporter ces équipements, il n’y aurait qu’un petit demi-kilo à prendre en plus pour les premiers comme pour les seconds.
Exemplarité ? Au final les deux records semblent donc s’être déroulés selon des conditions éthiques très proches. Sont-elles alors parlantes pour M.Toulemonde ? Si M.Toutelemonde est un (skieur ou non) - alpiniste expérimenté à défaut d’être athlétique, il est capable de savoir quand il peut sortir avec le matériel minimal, et d’ailleurs il ne s’en prive pas : il "oublie " pelle-sonde, corde etc. quand la montagne est béton, surtout s’il est en solo, conservant de préférence un arva (170g) et portant un mini-cuissard (130g), ces deux derniers pour permettre une "récupération" le cas où, un petit coupe-vent, des crampons alu ou pas de crampons du tout s’il n’y a pas de glace, pas de piolet bien sûr pour le mont Blanc, ce grand machin tout plat. Son handicap se réduira au ravito, à condition d’avoir accès au même matériel que les champions. Pour ce qui est de la course à pied, pas de problême, on trouve tout en magasin. Pour le ski on a beaucoup progressé. Le ski des champions est dans le commerce : 1800-1900g la paire en 160 cm selon les marques. Fixation : il n’y en a qu’une, la Low Tech, 700 g pour le modèle du commerce, 450 g pour le modèle course modifié par les champions eux-mêmes. Là où le bât blesse toujours, c’est la chaussure : le commerce ne propose que des modèles médiocres, plus lourds, moins confortables à la marche et pas plus rigides à la descente que celles que les champions se sont fabriquées. Voilà pour le ski de type alpin.
Et le nordique ? Pour l’heure, en chiffres arrondis, les skieurs alpins Brosse-Gignoux auront déplacé à chaque foulée plus de 2000 g là où le coureur Gobet aura pu se contenter de 200 g : soit un facteur 10 pour une différence de 30’ dans l’ascension. Un équipement de fond permettrait de réduire la charge de moitié, avec deux contre-parties : des batons plus lourds équipés pour la sorcière et soit l’utilisation plus probable des crampons, soit le troc (à Vallot) contre des chaussures à pointes. Cettte solution - qui ne semble pas encore avoir été tentée - me conduit à plaider pour une clarification de la règle. TOUT le matériel devrait être transporté à l’aller comme au retour. Les performances de Gobet avec un petit sac pour le changement de chaussures et de Brosse-Gignoux avec les crampons alu dans le sac (s’ils estiment en avoir besoin) n’en auraient probablement pas été affectées de façon significative. Et cela "interdirait" des déposes diverses qui pourraient tenter des fondeurs-alpinistes (batons legers à la montée troqués pour des sorcieres au sommet, diverses manip de chaussures etc.).
Quel record ? Le 30 mai 2003 Brosse et Gignoux ont-ils établi un nouveau record du mont Blanc ou approché avec des moyens nouveaux un record déjà ancien ? J’opte pour la seconde réponse. En montagne il n’y a pas à mon sens de record catégoriel, ou alors s’il y en a, ils sont infinis : meilleur temps en vélo, en moto, en sac poubelle ou encore en baignoire (option baignoire transportée ou option baignoire déposée) etc. Entrer dans cette spirale c’est capituler devant la logique marchande, celle des rallyes multi-quelquechose où le fabricant untel propose de courir (peu importe où d’ailleurs) avec le matériel de sa marque. La montagne, à pied ou à ski, est un terrain naturel où l’éthique est définie par l’économie des moyens employés et leur adaptation aux conditions. La plus belle victoire de Stephane Brosse et Pierre Gignoux aura été de montrer qu’on ne sait toujours pas qu’elles sont les meilleures méthode et période pour venir à bout de la montagne qu’on croyait la moins incertaine, le plus haut sommet des Alpes, un de ses plus grands dénivelés aussi, le mont Blanc par sa voie normale.
Couverture TV : une belle occasion gâchée.
L’interdiction des vols en haute-savoie pour cause de G8, fournissait l’occasion d’un reportage "by fair means" à l’aune de la compétition à représenter. Dès qu’ils l’ont su les journalistes de France 3 ont décidé de faire face à ce défi (qui aussitôt connu ravira toute l’équipe d’accompagnement du record). Trois caméras professionnelles aux mains de JRI ("journalistes reporters d’images", cad ayant la double qualification de journaliste et d’opérateur de prise de vue) secondées par trois caméras légères DV aux mains de bénévoles. La tâche la plus rude sera assurée par l’indépendant Jacques Plaisant qui transporte sa lourde betacam jusqu’à Vallot, refusant toute assistance : il filmera la partie haute. La seconde beta est transportée aux grands mulets, où de belles vues plongeantes sont possibles. La 3° beta fera les arrivée-départ-inteviews à Chamonix. Les DV sont remises à des bénévoles pour différents points du parcours, dont le sommet et la face nord. Malheureusement, une "dérogation" est obtenue in extremis par une compagnie d’hélicoptères (probablement sur demande d’un opérateur de France 3). D’où une évitable pollution sonore (une de plus) sur le mont Blanc, pour quelques images aériennes qui n’étaient pas indispensables.
Jean-Luc (de face) qui filmera les sequences sommet avec la DV écoute les explications que lui donne Jacques Plaisant au refuge des grands mulets. le 29 mai 2003 ©volopress/vsh
Lionel (LTA) et Cecile (CEI) refont un bout de trace le soir au-dessus des grands mulets. le 29 mai 2003 ©volopress/vsh
Jacques Plaisant arrive avec sa grosse camera en vue des refuges vallot. le 30 mai 2003 ©volopress/vsh
installation sur la plate-forme de vallot, face aux miages et bionnassay ; un intrus dans le lointain prend position. le 30 mai 2003 ©volopress/vsh
brosse et gignoux arrivent aux refuges vallot : à gauche le labo, à droite la poubelle. le bruyant importun s’est approché. le 30 mai 2003 ©volopress/vsh
brosse suivi de gignoux s’appretent à troquer les peaux pour les crampons à vallot : l’importun est de plus en plus bruyant. le 30 mai 2003 ©volopress/vsh
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16 mai 2013 VSH - record
Mathéo Jacquemoud a annoncé à l’AFP avoir battu le record de l’aller-retour Chamonix mont Blanc le 14 mai 2013 en 5h06. Il était à skis comme Brosse et Gignoux 10 ans plus tôt (5h15). Jacquemoud bat aussi le vieux record absolu, réalisé à pied le 21 juillet 1990 par Pierre-André Gobet (5h10). Pas mal de mentions dans la presse mais pas encore de précisions (matériel, temps intermédiaires, assistance etc.) Si quelqu’un en a qu’il ne se gêne pas.
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21 mai 2013 VSH - Témoignage de Mathéo
Répondant à des propos parfois dénigrant sur la toile, Mathéo Jacquemoud s’exprime sur son site et rend hommage à Stephane Brosse
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31 mai 2013 CEI - retour sur le record de gignoux et brosse en 2003
Une interview de Pierre Gignoux ici.
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12 juillet 2013 VSH - nouveau record
– Kilian Jornet a réalisé le retour Chamonix-Mont-Blanc-Chamonix en 4h57mn. Le 11 juillet 2013, avec Matheo Jacquemoud il ont réalisé l’ascension en 3h30mn.
– A la descente, Matheo est tombé dans une crevasse d’où il a été vite secouru. La blessure, semble-t-il sans gravité, ne lui a pas permis de poursuivre la course. Kilian est donc arrivé seul.
– Après une brève suprématie des skieurs (Jacquemoud entre le 14 mai et le 11 juillet 2013) le record retourne chez les "piétons" (bien que Kilian soit aussi un skieur-alpiniste d’exception).
– La prochaine barrière horaire (4h00) semble bien lointaine…. La perf de Kilian n’est en effet inférieure "que" de 13 minutes à celle de Pierre-André Gobet, il y a 23 ans.
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22 juin 2023 VSH - Record féminin
par Hillary Gerardi qui réalise l’aller-retour chamonix mont Blanc en 7h25, améliorant de 28 minutes le précédent