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Nouvelle voie au Pinet : "une échelle pour Jacquot"

jeudi 10 mars 2005 par BERTHOLET Daniel

Cette sortie fut le travail d’une équipe soudée, formée d’individus qui se connaissent bien. Chacun a joué son rôle, sachant ce qu’il avait à faire. Quant au terrain, il nous a fallu découvrir la ligne générale à suivre, ses secrets et ses faiblesses mais tout ceci fait évidement parti du jeu.

En fait, l’histoire commence il y a quelques années déjà, au temps où Volo préparait son topo-guide sur le massif de la Chartreuse. A l’époque, de nombreuses courses avaient été réalisées avec Jacques Villecrose, ingénieur météo, spécialiste de la neige et des avalanches et grand amateur de belles pentes à skier. Mais par deux fois, la voie envisagée par Jacques et Volo sur le Pinet, au nord du massif, n’avait pu, pour diverses raisons, déboucher au sommet. Malgré une déception évidente, ce versant du Pinet n’aurait donc aucun itinéraire décrit dans le topo-guide.

Le temps a passé, et à l’automne 2004, je suis allé au Pinet par un itinéraire décrit dans l’ouvrage : "Les randonnées du vertige." A aucun moment, je n’imaginai, ce jour là, que quelques mois plus tard nous y retournerions skis aux pieds.

Un peu avant la fin de cet hiver 2005, très haut sous la voûte céleste, il est certain qu’un ingénieur météo a décidé d’envoyer sur la Chartreuse des milliards de flocons qui, à force de s’accumuler, ont comblé la plupart des combes, blanchi uniformément les parois rocheuses les plus raides, écrasé de leur poids les sapins cartusiens. A écouter les autochtones, voilà bien vingt ans qu’on n’avait pas vu ça. Pas de doute cette année, l’enneigement demeure exceptionnel sur les Préalpes.

Lundi 7 mars 2005, tout s’accélère. Volo, toujours à l’affût d’un bon coup, photographie cette fameuse face ouest du Pinet et y trace au marqueur rouge une ligne élégante mais encore hypothétique. Tout paraît rempli jusqu’à la gueule. Reste une interrogation : le passage de l’échelle nichée dans une petite grotte sous l’avant-dernière barre rocheuse nous laissera-t-il une chance ?

Mercredi 9 mars, 11 h 30. Nous sommes six, paisiblement installés à l’abri dans la grotte un peu comme dans le ventre d’une future maman. Et la montagne accouche, sans douleur apparente, de six skieurs-alpinistes qui, l’un derrière l’autre, sortent de cette grotte quelques mètres plus haut, après avoir franchi la célébrissime échelle métallique quasi recouverte de neige et de glace. Plus d’une heure pour gravir quelques mètres scabreux et atteindre, rayonnants, le sommet. La montagne a décidé qu’aujourd’hui, la cause était assez noble pour nous laisser passer. Au sommet, pas de joie apparente, mais le plaisir du travail bien fait et la concentration nécessaire et indispensable pour redescendre sans voler. Blottis dans un épais nuage, six copains fiers de leur périple sentaient sans avoir à rien dire, qu’un sourire cosmique les encourageait. Restait à redescendre : un rappel incontournable mais pris comme un jeu et avec le sourire puis la libération traduite par de grandes courbes élégantes qui se dessinent dans ce matelas de poudreuse. On termine par un petit saut de barre pour pimenter l’itinéraire et 500 m d’une ligne hyper agréable à skier dans une forêt pas très dense.

Ça y est Jacquot, ce coup-ci c’est dans la poche. Il y aura un itinéraire dans la prochaine mouture du topo sur la Chartreuse et, bien sur, cet itinéraire exceptionnel par son originalité, portera ton nom.


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