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Matériel

Low Tech, les 30 ans

samedi 10 décembre 2016 par SHAHSHAHANI Volodia
LT-30 la couverture

La société Dynafit a publié en 2014 un livre anniversaire (30 ans) retraçant l’épopée de la désormais célèbre fixation inventée par le Tyrolien Fritz Barthel. Parmi de nombreux autres skieurs-alpinistes(Autrichiens, Suisses, Italiens, Allemands…) Fritz m’avait sollicité pour décrire mes premiers pas avec cette fixation qui a d’abord intrigué avant de devenir incontournable.J’ai voulu laisser un délai d’un an après la publication de ce livre qui ne semble pas avoir été commercialisé ni traduit en français. A côté des fac-similés de l’original, je me contente donc de donner la traduction de mes propres textes relatant mes premières années en Low Tech.


1. Finsteraarhornhütte, mai 1987. Contre la cabane traîne une paire de skis curieusement équipée. Bruno : "le gars a dû avoir un problème". Bernard (serrurier de formation) : " non, il y a seulement une pièce qui a été enlevée". Nous ne poussons pas plus loin la curiosité.
2. Katmandou, septembre 1988. De retour du Tibet (où mon confrère Michel Parmentier restera enseveli sur les pentes de l’Everest), je croise dans un restaurant Giorgio Daidola (Rivista della Montagna) qui a aussi vu LA fixation. Il n’a pas l’adresse mais pense que René Roulet (Flainesuperski) doit l’avoir. J’appelle ce dernier que j’avais croisé au printemps 87 en Oberland et qui avait eu, lui, la présence d’esprit de prendre les coordonnées du concepteur.

3. Chamonix, janvier 1989. "J’aurai un chapeau tyrolien". "Et moi je lirai Le Monde". Première rencontre avec Fritz Barthel qui m’apporte sa Low Tech. Je dois être le premier à l’étrenner en France. Je fais un compte-rendu dans Alpirando, ce qui suscitera envies et frustrations juste avant la Pierra Menta. Aucun professionnel ne veut encore l’importer en France. Au plus près, on trouve la Low Tech à Sion (chez Follomi) ; j’en rapporte les paires commandées par les copains. Avis unanime : "ce type a vingt ans d’avance". C’était peu dire, nous fêtons déjà le trentième anniversaire.

4. Maurienne, Février 1990. Au bout de 25 minutes mes amis me sortent d’une avalanche : un ski avec sa fixation est resté au fond. Je conserve comme une relique l’autre moitié de ma première Low Tech (orange), celle que Fritz m’avait apportée.

5. Bulgarie, avril 1990. Nous débarquons à Sofia sous la neige. J’accompagne les championnes de ski-alpinisme Claudine et Sylvie Trécourt (victorieuses ensemble de quatre Pierra Menta consécutives) . La Fédération Française de la Montagne m’avait chargé d’unifier les multiples règlements européens et de mettre sur pieds une "Coupe d’Europe". Lors de la compétition bulgare dans le massif du Pirin, les coureurs autrichiens sont aussi sur Low Tech. L’ hymalayiste Petko Totev va s’efforcer d’en équiper les coureurs bulgares : malgré le challenge financier il parviendra à importer la Low Tech et faire entrer la Bulgarie dans la Coupe d’Europe.

6. Elbrouz, mai 1990. En qualité de journaliste j’accompagne un groupe français : au total 200 alpinistes de toutes nationalités (Européens de l’est et de l’ouest, Etats-Uniens, Japonais, Soviétiques) se trouvent réunis dans et autour du "Refuge des Onze" (Priut 11, incendié en 1998). Mes Low Tech font évidemment sensation. Le temps est incertain mais vers 8h00 une éclaircie convainc la plupart de tenter une sortie, "pour voir". Quand j’arrive au sommet ouest, c’est la tempête. Un peu plus bas je croise plusieurs groupes qui décident, sur les conseils de leurs guides soviétiques, de creuser des trous dans la neige pour passer la nuit. Etant équipé ultra-light, je décline l’invitation. Trois Italiens partagent mon option et, au radar, nous rejoindrons ensemble le refuge. Huit skieurs-alpinistes seront retrouvés morts autour de leurs igloos défoncés par la tempête : parmi eux, Claudio Abrate, mon confrère de la revue italienne Alp.

7. SaasFee, Juillet 1992. Nous arrivons de Grenoble pour skier la face nord-est du Lenzspitze, équipés en "ski-running". Cet accoutrement ne plait pas du tout à un guide local, F. Lotmatter : " Avec ces cochonneries, vous allez seulement vous tuer. Cette face n’a été skiée que deux fois, d’abord par Heini Holzer qui a fait des rappels, puis par Beat Supersaxo et moi en 1976. Il faut des skis de slalom d’au moins deux mètres, de vraies fixations et des chaussures de compétition de ski alpin". Après notre descente de la face en quinze minutes, le ton avait changé à la Mischabelhütte. En fait nous avons eu très vite confiance dans la Low Tech. Dès 1990, lors des tests que je réalise pour des magazines, je décide d’équiper les skis exclusivement de Low Tech. Nous avions remarqué que les contraintes dans le ski de pente raide sont moins importantes que celles qui s’exercent sur une fixation dans les compétitions de ski-alpinisme. Ces dernières seront le premier tremplin de la Low Tech, avant qu’elle ne se répande aux pieds des randonneurs du monde entier.Happy Birthday !

Quelle low tech aujourd’hui ?


L’inventeur

Depuis que le brevet est tombé dans le domaine public (2004) l’offre s’est considérablement étoffée. 13 marques proposent la bagatelle de 50 fixations à inserts, donc de type Low Tech, pour la saison 2016. Cette offre pléthorique est-elle justifiée ? Dans cette jungle on peut considérer qu’il y a trois catégories :

 Fixations de course (ultralégères 300 gr la paire ou moins). Hauteur de cale de 37 mm. Pas de réglage pointure. Sécurité sommaire sur la talonnière qui peut être ON ou OFF mais sans élasticité (comme il y a cinquante ans !)*
 Fixations dites de freeride-rando, de 1000 à 2000 gr la paire. Sécurités normées (DIN), élasticités (latérale, verticale, frontale) souvent assurées sur la talonnière, parfois la butée. Stop-skis.
 Fixations à usage rando traditionnel.

On ne s’intéresse ici qu’à cette 3eme catégorie

Revenons en arrière. Pas de commentaires sur la butée qui n’a subi aucun changement fonctionnel quelques soient les modèles (on rappelle que la sécurité latérale est assurée par le déclenchement de la talonnière)

de g à d LT1, LT2, LT3

Low Tech 1. En 1988 il n’y a qu’une Low Tech, 660 gr avec les vis. Une position descente et deux positions montée (cale 1 et 2, pas de position à plat). Hauteur de première cale : 37 mm. Passage montée/descente (M/D) sans déchausser. Changement de cale au bâton. Pas de réglage pointure. Sécurité/élasticité latérale de la talonnière : oui. Déclenchement frontal fixe par barrettes interchangeables (duretés fournies de 5 à 9)

Low Tech 2. Apparaît peu après (1993). Elle ajoute à Low Tech 1, une position à plat et un petit réglage (2 pointures max.). La première cale passe de 37 à 41 mm, ce qui est encore acceptable. Le poids est à peine augmenté : 700 gr/paire avec les vis.

Low Tech 3. Dite Speed, c’est la plus connue. Elle a le même réglage de pointure que LT 2. Elle dispose d’un réglage de dureté de la talonnière mais la hauteur de la première cale grimpe d’un centimètre (à 50 mm) ce qui est beaucoup trop.

Low Tech 4. Un modèle avec une plus grande plage de réglage apparaît, Vertical ST, mais la première cale est encore plus haute. Accepte un stop-ski.

Aujourd’hui (2015) dans cette catégorie rando, les modèles proposés ont un réglage de pointures, ils acceptent un stop-ski (optionnel), les talonnières restent dotées d’une élasticité latérale mais elles ont toutes une première hauteur de cale trop haute.
  Dynafit Radical en position basse : 50 mm
  Dynafit Speed Turn : 55 mm
  Plum Guide : 60 mm

Il existe une autre** fixation Low Tech chez Dynafit, la Speed Superlite (LT SSL) qui s’efforce de combiner les qualités des fixations de course et de tourisme.
  Pas de position à plat mais deux hauteurs de cale dont la première à 37 mm, celle de la Low Tech 1. C’est la hauteur la plus universelle et c’est pourquoi c’est aussi celle des fixations de course.
  passage commode au bâton de l’une à l’autre
  élasticité latérale et réglages de dureté sur la talonnière
  aucun réglage de pointure
  pas de position à plat
  poids 440 gr avec les vis
  prix élevé : 500 € soit deux fois le prix d’une Speed Turn

Speed Superlite
Speed Superlite avec plaques AV et AR

Aucune marge pour le réglage sur une fixation de ce prix… Heureusement, il existe des plaques de réglage arrière et avant. Si l’on se contente de la plaque AR, la hauteur minimale passe de 37 à 42 mm. Et comme il n’y a pas de position à plat, les crampes sont garanties en terrain peu incliné. Il faut donc installer les plaques AR et AV.
  bilan poids : l’ensemble monte à 580 gr/paire
  bilan prix : l’ensemble monte à 600 €

On arrive donc avec la Speed Superlite à un poids voisin du modèle de base pour un prix TRIPLE.

le Proto


 Conclusion. En un quart de siècle et avec 50 modèles pour 13 marques (11 firmes) on n’a pas fait mieux que la Low Tech 2, ma préférée (elle marche toujours). Les fixations course ne constituent pas un réel progrès (pas de réglages, pas d’élasticité). La véritable révolution était de passer dans les années 80 de 2000 gr. à 700 gr avec une fixation de sécurité.

* Il y a eu une fixation de course avec une petite course élastique, la Dynafit Race Ti mais elle a été abandonnée.

** De nouveaux modèles sont annoncés cette saison par le groupe Amer (Atomic/Salomon) mais nous n’en avons pas eu connaissance, donc trop tôt pour se prononcer.


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