Caucase : ski de rando en mars 2017
dimanche 16 avril 2017 par SHAHSHAHANI Volodia
Voici quelques informations sur un voyage de ski-alpinisme réalisé dans le Caucase russe du 5 au 19 mars 2017.
Ce voyage a été mis sur pied par Jean-Jacques Bianchi (JJB), grand spécialiste du ski –alpinisme dans le Caucase depuis le début des années 2000. Treize personnes se sont ainsi rencontrées : deux Parisiens, deux Annéciens, cinq Grenoblois et quatre Azuréens. Entente et bonne humeur parfaites de bout en bout, une partie du groupe repartant après les deux premiers sites (vallées d’Adyrsu et d’Adylsu) les 8 autres poursuivant vers une troisième destination, Uzunkol.
Initialement le voyage devait se dérouler en Ossétie du nord mais début janvier il n’y avait pas encore neigé. Le maître de cérémonie (JJB) proposa alors d’aller plus à l’ouest où la neige était déjà tombée. En général la partie occidentale du Caucase, sous l’influence de la Mer Noire est plus arrosée alors qu’à l’est (côté Caspienne) le climat est plus sec.
Même à l’ouest, 2017 ne fut pas un grand cru au niveau des quantités de neige mais nous avons été gâtés par la qualité et un anticyclone assez constant. "Enneigement inhabituellement faible en comparaison avec tous les séjours faits dans cette région les années précédentes", précise JJB
Conditions quasi uniformes dans les trois vallées avec des parkings (et refuges) entre 2100 et 2300 m où subsistait une petite couche de glace de 20 cm permettant de skier jusqu’aux refuges. La quantité augmentait progressivement pour atteindre environ 120 cm à 3500 m en nord : pas de quoi crier au miracle sauf que pour la qualité ce fut presque à chaque fois du 5/5 avec une poudre peu dense de 30 à 50 centimètres.
A ma grande honte je dois confesser que je n’ai visité ce massif si "proche" qu’une seule fois, il y a vingt sept ans dans des conditions un peu particulières et même dramatiques article n° 6 ici. Le Caucase est d’une dimension comparable aux Alpes, 1200 km de long mais un peu moins large (160 km contre 280 km selon les mesures de wikipedia) avec des sommets souvent 1000 m plus hauts (5642 m à l’Elbrouz, culmen de l’Europe).
Le potentiel pour le ski-alpinisme est énorme, particulièrement dans la vallée de l’Adyrsu au départ du refuge du vallon de l’Ullutau. On l’atteint par une crémaillère capable de monter des 4x4 ou 6x6 militaires, puis de 1650 à 2350 m une route glacée sur 8 km. Le refuge est assez confortable (ce sera moins le cas dans les vallées suivantes).
Le refuge d’ Ullutau est en fait situé dans une base d’alpinisme qui fut gigantesque au temps de l’Union Soviétique, en gros l’équivalent d’une dizaine de centres UCPA. Presque tout est en ruines, si ce n’est un petit musée et, hors notre petit refuge (sauvegardé de la disparition car racheté par un privé après l’effondrement de l’URSS) , on rencontre surtout des militaires. Il faut d’ailleurs toujours porter son passeport et ses permis sur soi car un contrôle n’est pas impossible même en altitude, notamment vers les cols de la chaîne principale, frontière avec la Géorgie.
Si en matière d’alpinisme (pamirisme, himalayisme…), l’URSS (aujourd’hui la Russie) n’avait rien à envier aux Européens ou aux Américains, il n’y a longtemps pas eu de tradition de ski de montagne. "La peau de phoque était jusqu’à ces toutes dernières années un sport quasi inconnu des russes, hors quelques guides ou passionnés ayant vécu en Europe", précise JJB.
Les grandes parois n’ont pas vu de skieurs, nous a-t-on dit. Et pourtant, ce vallon de l’Ullutau, peut se comparer (avantageusement , en plus haut et plus long) aux bassins d’Argentière (Mont-Blanc) ou du glacier Noir (Ecrins). Gros avantage, ici les pentes raides des grands sommets sont toutes séparées par des glaciers praticables vers des cols entre 3500 et 3800 m dans un niveau très abordable (ski : 3.x en général) : c’est ce dont notre groupe a pu profiter pendant 6 jours de beau temps consécutifs.
La rive droite de cette vallée cristalline était trop peu enneigée pour être skiée mais elle l’était suffisamment pour y tracer imaginairement une bonne dizaine de couloirs hauts comme la face sud du Viso, là aussi sur des sommets de plus de 4000 m.
Comment le ski naturel se développera-t-il en Russie ? Pour les stations, dans les zones favorables d’accès, le Caucase connaîtra sans doute son "Plan Neige" avec la participation de sociétés occidentales comme c’est le cas pour la française Compagnie des Alpes (voir déjà une sélection ici.
Pour l’aventure, la découverte, les ouvertures, on ne peut qu’espérer qu’un style alpin prévaudra. Que des moyens mécaniques tels que véhicules tout terrain, motoneiges, voire hélicoptères soient utilisés pour faciliter les approches dans des zones non accessibles, paraîtrait économique et normal. En espérant que soient évités ou du moins très strictement limités les débordements déjà constatés dans d’autres vallées sous l’impulsion de compagnies commerciales de guides occidentaux. C’est déjà largement en route comme on peut le voir ici ou là. Quand ce n’est pas avec la promotion du service public.
Actuellement, l’héliski est surtout limité à la vallée de l’Elbrouz, non frontalière, et ailleurs les conditions sécuritaires pourraient avoir pour effet de le limiter. Jean-Jacques Bianchi remarque : "les contraintes administratives incompréhensibles pour un européen, et les contrôles systématiques à la limite des border zones font qu’il est fortement déconseillé de voyager dans ces régions sensibles sans l’appui d’une agence locale sérieuse, et l’encadrement par un guide compétent."
Dans un tout autre esprit, une équipe franco-russe a entrepris une gigantesque traversée intégrale du Caucase d’est en ouest.
Ils seraient en ce moment à l’ouest de la chaîne et ne devraient pas manquer de neige
PS : en attendant quelques photos ici, voir celles du Caf de l’Esterel