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TGV+ROUTE : mobilité contre accessibilité

samedi 1er mars 2008

A lire un article d’ Iñaki Barcena, Professeur de l’Université d’Euskal Herria et membre d’Ekologistak Martxa dans lequel on voit que l’opposition piémontaise au Lyon-Turin trouve un écho en Espagne et au Pays Basque et comment la mobilité marchande entre en conflit avec l’accessibilité aux transports.

Voir aussi la présentation de l’article sur Indymedia-Grenoble

Il est curieux que les mêmes institutions administratives qui ont
catégoriquement refusé de trancher et de débattre publiquement leurs
plans pour l’implantation du polémique "Y basque" soient maintenant
celles, approuvant l’explosion et la propagande spontanée avec
l’arrivée du TGV à Malaga, Valladolid et Barcelone, qui accusent les
détracteurs de cette construction publique de défendre le maintien de
l’actuel modèle de transport par la route. En se retranchant derrière
la triste situation d’un transport routier qui chaque jour connaît des
paralysies et des embouteillages coûteux et désespérants, le "Y basque"
est proposé comme étant la solution au trafic de voitures et de
camions. Cependant, ce sont leurs propres données qui écartent cette
possibilité de transvasement de moyens de transport, puisque leurs
propres analyses et documents disent que le trafic routier va augmenter
dans la prochaine décennie. Ne pouvant se dérober, elles accusent
désormais l’opposition au TGV de défendre le modèle actuel des routes.
Calomnie, dont il reste quelque chose, dit le refrain.

Cela fait des années que les diputations et le gouvernement lui-même
ont lu dans les rapports de consultants, dans des livres blancs, verts
et dans des rapports d’experts en transports que les nouvelles
infrastructures routières ne constituent pas la garantie d’en finir
avec les embouteillages. Ici et dans le monde entier, le rythme
d’immatriculation de véhicules et d’occupation routière est plus élevé
que celui de création de nouvelles routes, voies pour automobiles et
autoroutes, comme cela est mis en évidence dans le grand Bilbo et dans
le Donostialdea. La dure réalité nous enseigne que le trafic routier
est si dense et que le nombre d’automobiles privées et de camions
augmente dans de telles proportions que, par exemple, la passage de
Txorierri et celui d’Uribe-Kosta ou les nouveaux tunnels et accès
construits ne sont pas suffisants pour réduire ou éviter les
embouteillages autour de Bilbo. La Super-Sur ne le sera pas non plus.
Des voix autorisées de la Diputation du Gipuzkoa ont assuré qu’après la
mise en marche de la Maltzaga-Urbina, des ceintures de Donostialdea et
les trois voies sur l’A-8, les embouteillages malheureusement
continueront parce que l’augmentation de la circulation d’automobiles
et de camions prévue est énorme. Il est donc par là-même erroné de
penser que le TGV soit la solution -ou qu’il fasse partie d’elle- pour
changer ce triste panorama. Les études de mobilité du gouvernement
basque disent que le pourcentage de personnes qui vont quotidiennement
d’une capitale à l’autre est minime, et que, du fait du prix et du peu
de gares desservies, le nombre de passagers qui pourrait utiliser le
TGV serait très faible.

Le plus dur dans cette affaire c’est que, selon ce que soutiennent
actuellement tant Nuria López de Gereñu que d’autres défenseurs du TGV,
ne pas le soutenir, c’est perpétuer le modèle actuel basé sur la route.
Nous avons aussi lu et entendu ceux qui, de manière intéressée, veulent
confondre le mouvement anti-TGV avec le curé Santacruz et les carlistes
antilibéraux qui attaquèrent des trains et des gares au XIXème siècle
pour jeter de l’huile sur le feu de la criminalisation. Ce ne sont pas
eux qui nous empêcheront de répéter que le train est le mode de
transport le plus écologique et équitable pour notre société. Nous
voulons et avons besoin de plus de trains, de meilleurs trains.
Améliorer les lignes de FEVE, Euskotren, et RENFE est une tâche
prioritaire de même que de mettre en marche de nouveaux projets comme
celui de connecter le train de Lezama avec celui du Durangaldea, par
Usansolo ou Amorebieta. Cela fait de nombreuses années que nous le
réclamons.

Il n’est pas acceptable de dire que la responsabilité de l’état actuel
des choses incombe à ceux qui ne veulent pas de la modernisation des
transports. Nous sommes une société absorbée par la croissance
économique et les intérêts marchands. Le pétrole, le ciment et les
automobiles sont trois secteurs industriels puissants qui comptent
beaucoup, ici et maintenant. Cependant, sortir du tourbillon du
transport ne signifie pas parier sur un mode de transport élitiste,
ayant un grand impact écologique et social et déséquilibrant le
territoire et favorisant les capitales face aux villages, comme le fait
le "Y basque". Ce qui est juste et responsable socialement et
écologiquement est de tenter de réduire le trafic. Améliorer
l’accessibilité des gens sans augmenter la mobilité. Faciliter les
moyens de transport non motorisés et collectifs face à la voiture
privée. Stimuler fiscalement et économiquement les gens pour qu’ils
partagent l’automobile, pour qu’ils utilisent les transports publics,
qu’ils se déplacent à pieds ou en vélo. Mais cela n’est pas un grand
business. Et le TGV est surtout un business pour les gestionnaires qui
le construisent.

John Whitelegg, professeur en transport soutenable à Liverpool,
comparait nos habitudes en tant qu’utilisateurs d’automobile avec les
attitudes des drogués. Certains écologistes basques, reprenant la
comparaison, disaient à l’occasion du premier jour sans voiture, le 22
septembre 2000, que les responsables politiques des transports
agissaient comme des junkies avec les infrastructures routières. La
Super-Sur a été la dernière dose qu’ils ont vendue en Biscaye, et la
Maltzaga-Urbina en Gipuzkoa et en Araba. Mais les projets de routes,
d’autoroutes et de voies pour automobiles ne cessent pas. Le problème
thérapeutique réside en ce que le TGV n’est pas la méthadone permettant
de sortir de la dépendance à l’héroïne/route. Tant que les politiques
du transport continuent de donner la priorité au business face au reste
des critères environnementaux, sociaux, d’aménagement du territoire,
culturels..., dire que le TGV va servir à sortir du modèle de transport
routier équivaut à croire un drogué qui a les poches pleines que cela
(le TGV) sera son dernier shoot. L’évidence démontre que notre système
politique agit comme un polytoxicomane en matière de transports. La
responsabilité de l’état actuel des choses nous incombe, à nous qui ne
voulons pas fournir plus de drogue pour son syndrome d’abstinence.

Iñaki Barcena


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