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L’Aup du Seuil : un site en sursis

lundi 18 septembre 2006 par RUCHON Marcel

Au bord de la Réserve Naturelle de Chartreuse, dans l’emprise du Parc Naturel Régional, l’Aup du Seuil est un lieu singulier... aujourd’hui menacé dans son intégrité paysagère

La magnifique faiblesse de la puissante barrière orientale de la Chartreuse, autorisant le passage des hommes et des bêtes vers l’étage supérieur des prairies, du sentier du Paradis (!) offre surprise et émotion, au sortir de la forêt depuis le col de Marcieu, comme au débouché de la vire supérieure si la découverte se fait par le haut :

 un val suspendu en forme de conque, douceur géologique spectaculaire peu banale,

 une improbable architecture de vires herbeuses en redents dans lesquelles le sentier serpente avec modestie et ténacité,

 un paysage unique, puissant et ... délicat.

A regarder de plus près, il faut en effet vite en profiter car apparaissent des plantations de résineux, aujourd’hui d’une hauteur d’homme pour les plus développés, qui colonisent en courbe de niveau chaque bande herbeuse.
Ainsi dans quelques années, cette composition naturelle va devenir un succession de haies dans la conque, fermant inexorablement le paysage, niant l’écriture subtile de ce passage et transformant le biotope merveilleux des strates herbeuses en sous bois insipide

Il semblerait que ce dispositif ait été motivé par les "risques d’avalanches".

Risques d’avalanches ?

Certainement, puisqu’on est en milieu naturel et que ces évènements participent à la constitution de l’essence même de ce territoire, non strictement soumis aux activités humaines.

Risques pour qui ?

Aucun établissement humain n’est situé directement en aval de l"Aup du Seuil et les remontés du col de Marcieu sont isolées par plusieurs centaines de mètres de forêts.
Les activités d’alpage concernent la saison estivale, comme le gros des randonnées pédestres.
Ceux qui "s’aventurent" l’hiver dans ce site sont conscients des réalités du milieu qu’ils arpentent et recherchent précisément une confrontation à un environnement naturel le plus authentique possible.

Principe de précaution, acharnement thérapeutique préventif ou emballement technocratique ?

Peut-on imaginer l’initiative d’un service technique, agissant sciemment sur ce site, sans considération de sa valeur environnementale et paysagère, au motif de prévenir un risque qui ne menace aucune population ni aucun bien ?

Et ce au mépris d’un double classement en réserve naturelle et en ZNIEFF de type 1 (décret du 1er octobre 1997 pour la réserve Naturelles des Hauts de Chartreuse) qui plus est !

Le minimum est de savoir qui a identifié le risque et sur quel argumentaire, puis prescrit et évalué la solution, enfin décidé de sa mise en oeuvre.
Il serait également utile d’apprendre si ce processus a été l’affaire d’un seul acteur où l’objet d’une gestion concertée.

Bref si ce résultat procède d’une démarche partagée, au bénéfice de l’intérêt public ou s’il est le résultat de l’emballement solitaire et zélé d’un service public d’aménagement du territoire. Dans ce dernier cas, l’affaire mérite pour le moins éclaircissement et que les motivations à engager des fonds publics dans des réalisations aussi contestables soient communiquées.

Dans notre système français de délégation de pouvoirs à des technostructures peu soumises à l’obligation de transparence, cet interventionnisme est l’héritage d’un autre temps, en tout cas pas celui du développement soutenable.

Il apparaît utile, alors que le pays du Grésivaudan (comptant 49 communes dont Saint Bernard du Touvet) lance aujourd’hui une charte paysagère et architecturale sur l’ensemble de son territoire, de dénoncer cette situation et établir un consensus pour éviter son renouvellement.

voir aussi en paysage hivernal la [sortie 1128->sortie1128.html



résineux dans la conque du Seuil©volopress/Marcel Ruchon

les vires supérieures de la conque ©volopress/Marcel Ruchon


Messages et Commentaires ...
  • 20 septembre 2006 Nicolas George - Quelques précisions...

    Du point de vue des risques, on peut préciser que la combe supérieure du sentier de l’Aup du Seuil ne menace pas la station de Marcieu, mais plutôt les maisons de la Batie (plus au sud) où l’avalanche serait déjà arrivée (info CLPA).
    On remarquera sur ce point que la forêt, quand elle est située dans les zones de transit des avalanches (et non pas de départ comme ces plantations), offre une protection nulle - on peut en voir un bel exemple au-dessus du barrage des Houches par exemple...

    Donc, même si c’est moche, ça ferait au moins une raison. Sur l’efficacité paravalanche et notamment les chances de bonne croissance des arbres à cette altitude, cf. de mieux informés que moi.


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