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Chartreuse : Mountain Wilderness pour la censure

mardi 5 décembre 2006 par SHAHSHAHANI Volodia

En appelant à boycotter le livre de Pascal Sombardier (Chartreuse Inédite), Mountain Wilderness se trompe de cible et passe du côté de l’ "Aménagement" d’un massif où la liberté de randonnée pourrait être menacée.

Dans la dernière livraison de son bulletin (n°69, automne 2006), par un article non signé (engageant donc la direction de la revue et du mouvement) Mountain Wilderness (MW) appelle à boycotter un livre de Pascal Sombardier (ed. Glénat), " Chartreuse inédite ".
 [1]

IMPRIMATUR

Pour le livre de Sombardier, l’argumentaire est principalement tiré d’un texte de l’ " Association des Hauts de Chartreuse " (AHC) dont MW est adhérent et représenté au conseil d’administration. Le texte reproche notamment à l’auteur d’avoir publié en couverture une photo " aguichante " (il s’agit de la tour Percée et non de l’arche Miracle que l’AHC et MW ont cru reconnaître).

"Ce topo parle de sites situés au sein de la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse et elle n’est évoquée que très brièvement et avec des erreurs sur sa réglementation (l’interdiction de faire du feu ou de cueillir des plantes n’apparaît pas dans ce texte)". Plus loin, le texte déplore que "l’équipe de la Réserve n’aurait pas été sollicitée sur le contenu de ces pages". La conclusion de l’article de MW semble sortie du même tonneau : "un de nos objectifs en 2007 sera d’ailleurs de nouer des partenariats afin d’utiliser ces publications pour faire passer un message sensibilisateur".

Si on comprend bien, un auteur serait d’abord tenu de publier la réglementation d’une agence puis lui soumettre l’ensemble de son Oeuvre pour imprimatur et enfin passer le tout à une autre organisation qui, elle, saura " utiliser " la publication dans le sens qui lui convient. En gros, pour ceux qui n’auraient pas saisi le message, il y a désormais des " spécialistes " habilités pour décider où vous aurez dorénavant la possibilité d’ aller et venir et qualifiés pour exercer une censure préalable sur les ouvrages qui parlent de la montagne.

EXPERTISE CONTRADICTOIRE

Est-ce à dire que les auteurs de livres de montagne sont des irresponsables, qu’ils peuvent écrire n’importe quoi, ne pas se soucier du milieu naturel qu’ils décrivent et que d’autres sont appelés à fréquenter ? Evidemment non. Je ne porterai pas de jugement ici sur le livre incriminé, laissant le soin à Pascal Sombardier de répondre ou non à ses détracteurs. Je me contenterai, en qualité d’auteur et d’éditeur d’ouvrages de même nature, de signaler que nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce type de questions pour certains itinéraires de ski de randonnée. Tantôt de notre propre initiative, tantôt à la suite de concertations (et non d’oukases) nous avons décidé de " blanchir " certaines zones (quelques cas très rares, on les compte sur les doigts d’une main pour une dizaine de toponeiges comptabilisant plusieurs milliers d’itinéraires).

La règle que nous avons appliquée et que nous appliquerons quant à d’éventuels dérangements se fonde sur une expertise contradictoire. Les arguments d’autorité qu’ils émanent de shérifs désignés ou de défenseurs de la nature autoproclamés ne sont pas plus acceptables ici qu’ils ne l’avaient été pour " épargner " miraculeusement l’hexagone des retombées de Tchernobyl.

INCOHERENCES

Pour ce qui est de la protection de la Chartreuse, je ne relèverai, cette fois, que deux incohérences.

 Le Chamois et le Tetra Lyre, pour ne citer que ces espèces, y sont copieusement chassés. Qui peut soutenir que le passage de quelques randonneurs (a fortiori de skieurs à l’époque où ces espèces ne se reproduisent pas ?) est comparable en termes de destruction-régulation ? A moins qu’on ne redoute le dérangement des chasseurs et des 4x4 utilisés par certains pour se rendre sur les lieux de leur " sport " ? [2].

 La station de Saint-Pierre de Chartreuse vient de remplacer le télésiège du Battour par celui de la combe de l’Ours. Le coût (cinq millions d’euros) a bénéficié de nombreuses subventions provenant entre autres du Parc Naturel Régional de Chartreuse, de la Région Rhône-Alpes et du Conseil Général de l’Isère : les subventions de ce dernier ne devaient en principe pas être consacrées au ski mécanique mais à des solutions hivernales alternatives, dites " douces ". Ce remplacement semble aussi avoir " échappé " à la procédure UTN (Unités Touristiques Nouvelles) alors que certains aspects techniques (débit horaire, coût, déplacement d’une gare...) relèveraient de ladite procédure. [3]

RANDOS REGLEMENTEES

Alors que se passe-t-il en Chartreuse ? Il semble (voir nos informations précédentes) qu’un grand remue-ménage (méninges en tout cas pour le moment) est en cours auxquels participent diverses instances politiques, d’aménagement-équipement, d’exploitation (forestière ou autres), lobbys (chasse, loisirs motorisés) afin de contenir (en vue d’exclure) les promeneurs qui ont l’outrecuidance de " profiter " d’une si belle nature sans bourse délier (le péage-racket devant être considéré comme un premier pas vers la normalisation). Le phénomène n’est pas exclusif à la Chartreuse. La même coalition clientéliste a pour objectif la transformation de nos espaces de récréation sur le modèle anglo-saxon (USA, Nouvelle-Zélande). La suite est facile à imaginer. En entrée de site, nous aurons une guérite ou des hôtesses de vert vêtues distribueront brochures et boissons chaudes ; un petit circuit aménagé (voire pavé pour ne pas se mouiller les pieds), éventuellement sécurisé (stade de rando avec catex), une formation-sensibilisation (obligatoire pour ne pas randonner idiot), le tout contre une modique contribution pour assurer la maintenance de ces " équipements " et les salaires des préposés du Public au service d’intérêts plus privés. Et au-delà de ce périmètre ? Ah, vous voulez dire ce qu’on appelait autrefois le " terrain d’aventure " ? Des autorisations seront accordées selon les possibilités du site : à titre d’exemple, pour traverser le plateau de Marcieu, le délai de réservation sera de l’ordre de trois ans pour un groupe de quatre personnes. Ces dernières auront au préalable suivi une formation diplômante de " pleine nature " et devront être encadrées par un guide de la compagnie habilitée par l’exploitant, à qui sera préalablement communiqué le trajet exact emprunté par les " aventuriers ".

Cauchemar ?

C’en est déjà un de voir une association telle que Mountain Wilderness passer du côté de l’aménagement, même peinturluré comme il se doit de nos jours d’une couche d’écologie. Un dérapage ? On attend alors une autocritique sans contorsions dès le prochain numéro.


[1On remarquera que les publications " Olizane " bénéficient dans les colonnes de MW de critiques plus laudatives, quand elles invitent elles aussi à fréquenter ce " milieu sensible " qu’est la montagne. Il est vrai que le responsable de collection (François Labande) est aussi un dirigeant de Mountain Wilderness.

[2A toutes fins utiles, je précise que je ne suis pas un anti-chasse primaire pour au moins deux raisons. 1. Je connais des chasses éthiques. 2. C’est un moyen légal de détenir une arme à feu dans un pays où la conscription a été abolie

[3A toutes fins utiles, j’ajoute que ne suis pas opposé à l’existence de stations du type de Saint-Pierre, tant que le périmètre et les possibilités de débordement resteront contenus.

Messages et Commentaires ...
  • 8 décembre 2006 de quinsonas bruno - les Arches du topo Guide de Monsieur Sombardier

    Je viens de lire vos commentaires sur la décision de la très sérieuse association Mountain Wilderness et je ne les partage pas.
    Tout ce qui est excessif perd de sa valeur et hélas vous le démontrez.
    Je considère bien au contraire que Monsieur Sombardier ainsi que son éditeur ont agit sciemment mais avec légerté en publiant à des fins commerciales évidentes ce dernier topo guide avec l’arche en couverture (ce n’est pas un hasard....).
    Un minimum de précautions auraient du être prises en raison de la localisation de certains itinéraires dans des zone très sensibles et au demeurant privées. J’estime que ce sont des professionnels avertis et qu’ils ne peuvent après coup dégager leur responsabilité au motif que "la montagne est à tout le monde".
    Monsieur Sombardier a même le toupett d’écrire sur le site "Bivouak" qu’il placé des splits pour sécuriser l’accès à l’arche de la Tour Isabelle, en agissant pour le bien public et la sécurité de tous.
    A ma connaissance, il ne lui est pas venu un instant à l’idée d’alerter ou de contacter le propriétaire pour le prévenir ou, mais là c’est sans doute du domaine du rêve, lui en demander l’autorisation.
    Que se passerait-il si le propriétaire dses arches allait venait avec des amis poser des splits sur la facade de la maison de Monsieur Sombardier au motif que l’une des tuiles du toit de monsieur Sombardier abritait une forme rare de lichen que la comunauté scientifique recherche...?

    Je n’ai aucun plaisir à faire ces commentaires, mais kje ne peux que m’assopcier à des associations, des municipaluités ou des Autorités qui elles non plus ne partagent pas votre manière de voir les choses.
    NB. JUste en passant, une petite différence notable, c’est que moi je paye des impots locaux sur les arches en question, et vous et les randonneurs non.

  • 19 décembre 2006 Marc Peyronnard - INCOHERENCES ?

    Il n’est pas tout à fait exact de prétendre que le Chamois et et le Tetras lyre sont copieusement chassés dans la réserve des hauts de Chartreuse

    le tir du chamois était interdit depuis plus de 20 suite à la quasi disparition de l’espèce de Chartreuse dont il ne restait qu’une vingtaine d’individus sur l’ensemble du massif... il est revenu en bonne forme suite à une réintroduction par l’ONF il s’est vite multiplié... quelques prélévements ont été autorisés, il n’y a pas plus de 2 ans pour 2 individus je crois et dans certains secteurs seulement, il est désormais bien présent et semble sauvé.

    Le tétras a une situation bien différente, il était très abondant en Chartreuse, ce massif est resté longtemps vierge de remontées mécaniques... On le constate partout, là où les remontées mécaniques s’implantent, elles font subir aux Tétras une baisse drastique des populations... Mais cette situation change. Les hauts plateaux sont quotidiennement visités l’hiver par de nombreux randonneurs avec skis ou raquettes qui passent à peu près partout. Cela est fatal au tétras qui à cette prériode n’a que quelques bourgeons pour se nourrir ; le faire envoler trop souvent lui fait perdre une énergie cruciale pour supporter le froid ; l’hiver il est souvent isolé dans un trou creusé dans la neige, le dérangement est fatal pour lui... Et le paisible randonneur provoque sans même sans douter une véritable hécatombe dans un massif jusque là préservé. Contrairement aux autres massifs alpins plus hauts, les sommets de chartreuse sont l’habitat naturel du Tétras, et pour préserver cette espèce il faudra que randonneurs et publications prennent cela en compte.

    Pour ce qui est de la réserve des hauts de Chartreuse ce n’est pas un parc national et son statut n’a rien à voir avec celui la Vanoise ou des Ecrins la chasse est donc autorisée dans son périmètre avec quelques réserves. L’équipe de la réserve doit se plier aussi à une politique plus locale dont une partie de la règlementation ne dépend pas de l’êtat mais de compromis entre usagers, le préfet étant arbitre.

    Alors parlons des sacro saintes libertés de circuler ou de publier... il semble bien que les Tétras subissent de lourdes pertes actuellement avec le développement de la rando hivernale, la sauvegarde d’une espèce vaut bien quelques restrictions... les chasseurs foutent la paix aux Tétras l’hiver où la chasse n’est pas autorisée...

    Quant à Sombardier, si c’est lui qui a coupé des pins à crochet pour faire des photos et mis des spits mal placés pour la sécurité et dont on peu discutter l’utilité, bonjour... c’est en tout cas cette publication qui a provoqué cela, le site était vierge l’année derniére sa dégradation pose sérieusement la question de la déontologie de l’auteur.

  • 19 décembre 2006 NAT - Dérangement de la Faune

     Sur ce sujet, Lionel Tassan a déjà publié son point de vue.
     Est-ce qu’une vraie étude a été menée ? Avec comparaison de différents sites pour mettre en évidence l’impact de divers facteurs ?
    Si oui, ce serait bien d’en donner la référence.

  • 20 décembre 2006 Marc Peyronnard - comportement adulte et responsable

    Chaque année, il y a des comptages pour les chamois et les Tétras il sont généralement faits et organisés par ONF, ONC, en collaboration avec des chasseurs et des associations naturalistes. Les populations de Tétras diminuent partout et inquiètent les pouvoirs publics. La Chartreuse était jusqu’à maintenant épargnée par cette chute des populations, mais cela évolue très rapidement depuis la démocratisation des raquettes.... et c’est dans les endroits les plus fréquentés que cela s’observe...

    Pour l’arche, des pins à crochet ont été coupés et la réserve a porté plainte.... Je ne sais pas qui a coupé des pins, mais ils sont bel et bien coupé, et ils dégagent la vue... il ne le seraient sans doute pas si un certain Sombardier n’y avait attiré beaucoup de monde....

    Tout cela ressemble a d’une bande de gamins qui a besoin de voir ou de faire l’exercice à la mode pour se valoriser et donner une allure, il faut toujours suivre le dernier truc à la mode ou un gourou de la rando pour dormir tranquille.... c’est le dernier le spot de la Chartreuse qu’il faut absolument photographier...

    La haut cela fait plus de 20 que j’y passe de temps en temps pour faire des relevés botaniques, et cette année l’endroit est dégradé par ce que j’appelle une gaffe mercantile

    Il y a se demander pourquoi, alors que nos modes de vie détruisent la planète il y a une telle soif de retrouver ces endroits magiques qui nous font oublier que nos modes de vies et de loisirs tuent et détruisent. Une réalité cauchemardesque qu’il faudrait oublier et cacher avec des oripeaux publicitaires ?...

    les pins à crochet, les avez vous regardé de près ? Beaucoup d’entre eux ont des petites nécroses circulaires jaunes et brunes, vraisemblablement causées par la pollution et il semble bien actuellement que le nombre d’entre eux qui sont secs sur pied dépasse la dynamique de leur renouvellement.... Oui bien sur qui le prouve puisque aucune recherche scientifique n’est faite et que bien entendu aucun politique ne veut en parler !...

    Si Sombardier avait le réel désir de sauver cet endroits magiques, il pourrait profiter de sa notoriété pour faire plus utile que de rendre envieux et informer aussi d’une situation qu’il est bien confortable d’ignorer.

    Alors ne confondons pas tout : un parc naturel régional est un syndicat mixte regroupant des collectivité territoriales ayant en commun un patrimoine naturel et culturel riche mais fragile, l’objectif fixé est généralement de valoriser ces patrimoines pour favoriser selon l’expression d’Eliane Giraud un “développement économique durable†... la réserve naturelle est l’espace obligatoire pour avoir l’agrément Parc Naturel Régional délivré par le ministère de l’environnement, sésame indispensable pour toucher des aides de l’état... Chasseurs, commerçants, naturalistes, randonneurs... etc sont des acteurs qui ont participé à la charte, les plus forts sont souvent les plus nombreux ou ceux qui représentent le plus d’emplois, voila qui explique quelques anomalies dans la protection du patrimoine naturel.

    Rassurez vous, je prends aussi plaisir à ski de rando mais restons sur les voies classique et ne descendons pas n’importe ou pour préserver aussi le plaisir de voir quelque Tétras au printemps

  • 1er décembre 2012 oreste Camus - Pfff

    1.je ne savais pas que l’on pouvait etre propriétaire de la montagne ? Un ancien privilège peut être (mais la Révolution n’at’elle pas aboli les privilèges ?). A moins que c’est pour se réserver des territoires de chasse ?
    2. Si vous ne voulez plus payer de taxes sur ces cailloux, et bien cessez d’en être propriétaire !
    3. Quand à la protection de la nature, la frontière est mince avec une intolérance à tout ce qui est différent comme point de vue.Quelle importance un pin à crochets ou à je ne sais quoi devant l’état de notre monde actuel ?!!
    4. enfin un parc naturel avec des chasseurs, laissez moi rire ! (surtout quand on explique que ce n’est pas le même statut, que blabla et blabla)

    Voilà, juste pour dire que je suis juste un petit randonneur qui respecte la nature, mais qui ne veut pas qu’on lui explique où il doit aller, et ce qu’il doit faire.


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