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Matériel

TEST : les skis de l’Everest

mercredi 16 mai 2001 par SHAHSHAHANI Volodia
Everest 2000 d’Elan et Hitrax Air Carbon de Fischer ©volopress/vsh

Parmi l’offre surabondante de skis de randonnée présentée pour la saison 2001-2002 (voir article précédent ci-dessous), on remarquera en particulier deux skis placés sous le signe du toit du monde, le Hitrax Air Carbon de Fischer et l’Everest 2000 d’Elan. Hors cette référence tout sépare ces deux produits. Le ski autrichien est signé par le sud-Tyrolien Hans Kammerlander qui avait fait une ascension rapide du versant nord, au Tibet (mais n’en avait en fait descendu à ski qu’une petite portion) alors que le ski slovène est signé du Slovène Davo Karnicar qui a réalisé la descente par le versant sud (Népal). Kammerlander ne skiait pas à l’époque sur Fischer mais avec un Atomic alors que le ski présenté par Elan est la réplique exacte du modèle utilisé par Karnicar. Techniquement aussi tout sépare ces deux skis : la construction du Fischer est "en forme" (= cap), alors que l’Elan est un sandwich traditionnel avec des chants latéraux même pas biseautés. Le Fischer est un vrai tour Carve avec un rayon de courbe annoncé à 19,8 m (105/68/90) pour un 173 cm quand l’Elan revendique fièrement une cote ultra-classique de 93/70/81 (soit 45 m de rayon en 170 cm, taille unique proposée). Bref des points de vue structurel et géométrique, on a affaire à deux productions antipodiques du ski de montagne, les poids étant quasi identiques (2470/173 pour le Kammerlander et 2460/170 pour le Karnicar) : on le voit, dans un cas la matière a été répartie pour assurer la portance, dans le second elle au service de la densité. Sur le terrain, les deux skis ont des personnalités opposées : le Fischer permet de tourner au ralenti dans un mouchoir de poche sans le moindre effort et ce quelle que soit la qualité de la neige, alors que l’Elan, sans être vraiment têtu, exige tout de même quelques sollicitations. A la montée il n’y a pas photo : avec des peaux standart l’Elan ne fait qu’une bouchée du Fischer et même quand ce dernier est équipé de peaux carve, le ski slovène conserve l’ avantage, parcequ’il est moins taillé et moins flex. Cet avantage est aussi confirmé dans les situations délicates, pente raide avec neige dure irrégulière lorsque le dérapage latéral devient le geste de survie. En conduite en neige profonde à vitesse soutenue aucun de ces deux skis ne peut rivaliser avec des modèles plus lourds, mais grâce à sa portance et à sa tolérance et nonobstant toujours un carving et un flex que je juge excessifs, le Hitrax aurait ma préférence, mais j’admets qu’on puisse avoir un avis contraire. J’ai testé ces deux skis en rando sur environ 10000 m de dénivelé avec des neiges variées. Les deux skis étaient équipés de fixations Low Tech Dynafit (parceque depuis qu’elles existent l’idée ne m’a jamais traversé l’esprit d’en utiliser une autre) et avec des pantouffles à moitié explosées sorties de la même usine, les antiques Tourlite Tech : un choix pas incohérent pour moi, compte tenu de la légèreté et de la relative tolérance de ces deux skis. Le poids a été bien pensé dans les deux cas : nous avons affaire à deux modèles légers, destinés à la rando plutôt qu’aux hautes vitesses du hors-piste, mais sans ce côté "tape-cul" des ultra-lights. Enfin, j’ai tenté de comparer ces deux nouveaux skis à deux anciens modèles (qui ne sont plus fabriqués aujour’dhui) également emportés à l’Everest : l’Altiplume 1 de Dynastar issu du ski de Pierre Tardivel lorsqu’il a fait sa descente depuis l’épaule Sud et le Tour Cap Guide 1 d’Atomic (première version en nid d’abeille) qu’Hans Kammerlander avait effectivement utilisé lors de son aller-retour avec skis par le versant nord. Signalons que chez Dynastar le nouvel Altiplume est très différent et a été sensiblement élargi au patin (non testé) ; Atomic, de son côté a radicalement changé sa politique, abandonnant l’ultra-light pour un modèle "intermédiaire", plus large, plus taillé et, dit-on, beaucoup plus polyvalent (non testé). Ce comparatif entre anciens et nouveaux "everest" revêt à mon sens trois intérêts : 1. Même si skier l’Everest est un exercice très particulier, c’est tout de même un ban-test éprouvant au cours duquel la recherche de la légèreté ne peut totalement occulter un minimum de skiabilité, compte tenu des difficultés rencontrées. 2. Les deux anciens modèles ont connu une large diffusion et constituent donc des repères pour de nombreux randonneurs. 3. On peut à cette occasion mesurer le glissement progressif de la production rando de l’ultra-light (qui ne semble plus concerner que des utilisations marginales, compétition notamment) vers des modèles conciliant un poids raisonnable et une skiabilité agréable.

RESUMÉ

Le Hitrax Air Carbon de Fischer griffé Kammerlander est un super jouet qui permettra à de nombreux randonneurs de progresser dans les neiges difficiles tout en se faisant plaisir : il offre un remarquable rapport poids-portance, un des meilleurs du marché. L’Everest 2000 d’Elan signé Karnicar est un rando archétypique homogène et polyvalent qui rappelle en un peu plus tonique (et un peu moins doux) le Tour Star de Kneissl, ce qui devrait consoler les nombreux fans de ce best-seller dont la production vient d’être arrêtée.

modèle hitrax ac everest capguide1 altiplume1
marque fischer elan atomic dynastar
poids mesuré 2470 2460 2220 2160
taille testée 173 170 180 180
cotes 105/68/90 93/70/81 89/68/79 83/64/75
rayon(df) 20 45 40 41
facilité 10 7 9 7
stabilité 10 8 9 6
sécurité 8 10 5 8
technique 9,3 8,3 7,7 7,0
note poids 7,7 7,7 8,9 9,2
poids-technique 8,5 8,0 8,3 8,1

NOTATION : MODE D’EMPLOI

Méthode. Les notes livrées dans le tableau ci-contre sont le fruit de mes sensations personnelles, quelquefois corroborées par celles de mes collaborateurs réguliers. J’ai repris la méthode mise au point pendant les quinze années où j’ai régulièrement testé le matériel de ski alpinisme pour les magazines spécialisés (Vertical, Skier, Montagnes Magazine, Skieur, Alpirando).

Protocole. La note 10/10 n’est pas absolue : elle est donnée au meilleur ski de l’échantillon proposé ici. Si en facilité la note 10 (délivrée ici au Hitrax) est probablement proche du maximum qu’on pourrait donner dans un test exhaustif, c’est loin d’être le cas pour les deux autres : en sécurité comme en stabilité, nos champions de l’Everest ne dépasseraient probablement pas la moyenne si on devait les mettre en compétition avec des skis plus lourds typés descente.

Notes de terrain. Facilité = neige croutée/vitesse faible/pente faible. Stabilité = vitesse soutenue/pente moyenne/neige profonde. Sécurité = pente raide/neige dure/vitesse faible ; montée ; dérapage.

Notes composées. La note technique est la moyenne des trois notes de terrain. La note poids est calculée de telle sorte qu’une paire de 2 kg obtienne la note 10. La note poids-technique est la moyenne simple des notes poids et technique. Ces notes sont très discutables car en fait la combinaison dépend du coefficient que chaque utilisateur décide d’apporter à tel critère. L’intérêt est de mesurer d’année en année les progrès réalisés par les fabricants dans la maîtrise du rapport poids-skiabilté.

Remarque. Les prix de ces deux nouveaux modèles n’étaient pas encore connus au moment du test : c’est une donnée non négligeable car aujourd’hui l’offre rando est forte en quantité comme en qualité.


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